Les obsèques d’Eva remémorées par Antoine

Dimanche 12 juin 2016.

« Les obsèques d’Eva par Antoine »

Voilà, un peu plus de quinze jours qu’Eva nous a quittés. Le CD de « Renaud » me susurre que « les mots /… /vous assignent une place, plus près des anges que des angoisses ». Dans ce matin calme, après une semaine de dures réalités et de bizarreries administratives, je me sens enfin le courage et  la volonté de faire face aux écrits, à ces dizaines d’enveloppes que je n’ai pas ouvertes, de mails, de SMS, à ces photos de fleurs que nous avons prises avec Victoria et qu’il faudra analyser… Je débute ici ce travail de remerciements qui devrait s’étaler sur plusieurs jours.

Merci à tous pour vos soutiens et réconforts qui apaisent, bien souvent, le plus douloureux des chagrins.

Pour ceux qui, indépendamment de leur volonté, n’ont pu assister aux funérailles d’Eva, ceux qui me réclament les textes, je vais essayer ci-après de me remémorer cette journée du 1^er juin 2016. J’espère trouver les mots justes. Eva et moi étions peu enclins à communiquer sur Internet sur notre vie privée. Recevez ces lignes comme un message d’Amour et d’Espérance.

Je le répéterai souvent. Je suis fier de nos enfants. Le maître mot était de rester fidèles à l’Esprit d’Eva, de ne pas uniquement s’abandonner à la douleur et à la tristesse, de rester dignes et dans la Foi, la croyance d’une vie après la vie. Je ne vous cache pas que cette Force me fait parfois peur. Il ne s’agit pas de retenir des larmes, d’intérioriser et de cristalliser des angoisses porteuses de maladies, d’afficher des signes extérieurs de dureté ou d’apparente indifférence/insouciance (Souvent les personnes arrivent sur nous avec leur propre peine ravivée par notre rencontre. Elles ont par ailleurs quelques à priori sur ce que nous devons ressentir. Pourtant au fil des jours et avec la multiplicité des échanges, nous ne pouvons les accueillir qu’avec l’état d’esprit fluctuant du moment). Non, cette Force est présente car nous pensons que l’âme d’Eva a survécu à cette décorporation. Subtil dosage permanent car l’Espérance ne prémunit pas d’un vide bien réel.

En ce matin, du 1^er juin 2016, les proches qui connaissaient intimement Eva ont porté des couleurs claires. Les enfants et moi avons arboré à la boutonnière, une rose blanche, signe de notre Espoir et du respect de la personnalité hors normes de notre bien-aimée.

Dès 7H30, j’ai vécu la mise en bière comme une étape transitoire, début de cette longue journée d’adieu. Je ne pouvais m’imaginer Eva dans un cercueil et nous lui avions déjà dit au revoir. Le transport du corps était nécessaire. Michaël, ami de Damien, qui appréhendait cet instant, a été délicatement écarté de cette épreuve. Problème de musique pour la cérémonie : la clé USB ne passait pas sur la sonorisation des pompes funèbres et leur ordinateur était en panne suite à un orage…  Michaël, éloigné de la mise en bière (un comble pour un allemand), s’est donc chargé des téléchargements et diverses conversions de fichiers pour pouvoir passer la musique durant la célébration. Clin d’œil d’Eva.

A 9h00, nous avons été accueillis sur le parvis par le père Silvio (frère brésilien). Puis, dans un « Hallelujah de Jeff Buckley », nous sommes rentrés, avec les enfants, derrière le cercueil, dans l’église de Villes-sur-Auzon. J’ai essayé d’embrasser du regard tous les détails de cette foule conséquente. Mais j’ai dû me résoudre à davantage d’introspection devant ces visages et cette tâche impossible de mémorisation.  Merci pour vos présences nombreuses qui ont témoigné de l’attachement que vous portiez à Eva ou plus largement à notre famille. Merci pour tous ces messages du cœur, SMS, emails, cartes qui formalisaient le regret d’une absence indépendante de votre volonté. Merci à mes amis militaires qui, par leur nombre et dans le port de l’uniforme, ont marqué les esprits locaux et ajouté à la solennité de cette célébration.

Nous avions placé un portrait d’Eva sur son cercueil. En début de célébration, bercée par la trompette, chaque enfant est venu déposer une bougie: « Sometimes, I feel like a motherless child » (Parfois, je me sens comme un orphelin).

Brigitte a lu le texte « Je suis partie » puis le prêtre m’a invité à prendre la parole en l’hommage d’Eva. Ce long temps de paroles (20 mn) n’était pas délibéré, mais je ne pouvais laisser partir Eva sans ce message inspiré du cœur, écrit la veille de la célébration. Il fallait que j’explique et que je réconforte dans la mesure du possible. J’avais demandé que la musique du film « Ghost » clôture cet hommage. J’ai senti monter la vague d’applaudissements alors que ma voix s’étranglait sur mes derniers mots d’Amour et que j’essayais de communier avec Eva au plus profond de mon âme.

L’écoute de la parole de Dieu a été identique à celle des obsèques de mon père, Jean Goeminne, en 2008. Malgré la foultitude de textes, les trois mêmes lettres (Première lettre de Saint jean, Psaume 22 et Evangile de Jésus selon St jean) m’ont appelé. Victoria, soutenue par ses frères, a lu sans défaillir le psaume 22. La voici armée pour les épreuves les plus difficiles de la vie. Vicky me dit avoir beaucoup appris du film « nos étoiles contraires », « les célébrations » me dit-elle « servent  essentiellement à réconforter ceux qui restent ». Nous l’avons regardé ce soir et je confirme que ce fut un privilège d’aimer Eva et de partager sa vie.

Entre chaque  lecture, Adeline, Paule et une de leurs amies ont merveilleusement interprété, avec le cœur, « Mon Père, je m’abandonne à toi » et « je te donne tout ». Eva était une blonde avec un « esprit de noire». Je sais qu’elle a particulièrement apprécié ces interventions tout comme celle, un peu plus tard dans la célébration, de Roméo.

La quête a été une pause, un recueillement au son d’un violoncelle et piano « Saint Saens – The swan (Le cygne) ».

Après la prière universelle, Roméo a rappelé « la promesse » qui le liait à Eva. Elle lui avait demandé de chanter à ses obsèques, requête personnelle qui m’était inconnue lorsque que je l’ai sollicitée auprès de Roméo (mais elle était ma moitié, le bon sens du cœur nous a réunis dans cette demande…). L’interprétation de Roméo, à capella, de l’Ave Maria, dédiée à Eva, a été d’une beauté « inspirée et divine », dans la retenue et l’émotion. Elle a recueilli tous les applaudissements. Quelle était donc cette célébration où, par deux fois, des applaudissements ont retenti dans l’église ? J’ai trois principales sources d’apaisement: Les soutiens de mes proches et des connaissances jusqu’aux plus lointaines (qui me font du bien pour Eva et les enfants. Je sais et je sens toujours ces réconforts nous enveloppant malgré sa disparition), mes enfants qui n’ont pas cédé à une douleur trop destructrice, et l’esprit d’Eva qui a été respecté, qui a fait tant d’émules et qui perdure : c’est ça l’Espérance et la Vie. Cet hommage était important pour la reconstruction, nous avions besoin de ressentir combien Eva était appréciée, à l’image de son Amour des autres.

Nous sommes sortis de l’église sous le chant de « Céline Dion – Vole ». Un texte sur mesures pour les personnes disparues dans la souffrance et qui permet d’extérioriser nos émotions. J’en reviens à « Renaud » : « les mots sont un don du ciel, une grâce…». Ce texte et cette musique de Jean Jacques Goldmann ont exprimé pour nous les sentiments les plus purs et nous ont libéré de souffrances.

Les proches se sont retrouvés à notre location de Villes-sur-Auzon. Moment de partages et encas orchestrés par les proches avant de nous rendre, en début d’après-midi, au crématorium. Merci à tous.

A 13H00, nous étions encore nombreux au crématorium d’Avignon. J’ai été extrêmement touché d’être entouré des proches mais aussi de revoir d’anciennes connaissances qui se sont déplacées en solidarité. Mercis, encore, mercis. Le crématorium et sa salle de cérémonie immaculée de blanc nous ont permis d’accompagner Eva, de prolonger le souvenir et de vivre un nouveau moment intense. Des photos d’Eva, rapidement choisies par les enfants, étaient projetées sur un grand écran de la salle de cérémonie. Je l’ai, une fois de plus, regardée avec un cœur amoureux.

J’avais précisé que les trois temps de la journée permettraient à ceux qui souhaitaient dire au revoir à Eva de s’adapter en fonction de leurs obligations. Pourtant, devant le nombre de personnes réparti sur toute la journée, j’ai été pris d’une appréhension : j’avais décidé de m’exprimer lors de la célébration religieuse puis de vivre mon deuil dans le recueillement pour le reste de la journée. Me fallait-il finalement improviser pour les personnes non présentes à la célébration? Qu’allait-il se passer au crématorium ? Ce qu’il se passe toujours dans l’environnement d’Eva : les plus costauds émotionnellement ou portés par le moment, ont pris la parole, sans concertation et toujours avec justesse, dans la prolongation de notre état d’esprit et de celui d’Eva. Toujours la symbiose. Les trois « C », trois « copines » parmi les amies et sœurs de cœur. Christelle C. a évoqué son « Ange », celle qui lui avait sauvé la vie lors d’une de ses nombreuses prémonitions. Eva qui l’accompagne et qui s’est définitivement ancrée dans son cœur. Christelle Q. a lu la « lettre de Saint Paul aux Corinthiens » plutôt réservée aux mariages et pourtant parfaitement adaptée aux circonstances et à la mémoire d’Eva. Puis Claudine a poursuivi avec finesse, dans ce contre-pied au deuil, par une lecture habitée d’un texte de Colette sur le rire. Nous nous sommes recueillis en faisant une chaîne humaine au son de « Dis-lui de Mike Brant, « l’idole de jeunesse d’Eva » ». Gwladys, maître de cérémonie, a lu un texte de Jacques Brel, qui s’est naturellement imposé à moi et a clôturé la célébration par de magnifiques paroles d’apaisement et d’espoirs. Je retiens la citation de Jean-Jacques Rousseau : « L’homme qui a le plus vécu n’est pas celui qui a compté le plus d’années, mais celui qui a le plus senti la vie. ». Cette citation  a été écrite pour Eva. Merci, Gwladys pour votre sensibilité, vos larmes non retenues, pour avoir compris, ressenti Eva et ses proches, l’avoir exprimé et fait preuve d’une magnifique empathie alors que le propre de votre métier vous invite à vous protéger émotionnellement.

De retour à Villes-sur-Auzon, nous avons pu, de nouveau, échanger, paradoxe des inhumations où le bonheur de se retrouver côtoie la tristesse de cette séparation avec Eva.

Une partie des cendres d’Eva reposent dans le caveau de son papa Marcel. Vous savez qu’elle sera  aussi partout dans de magnifiques lieux qu’elle aimait. « Rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme ». Les atomes d’Eva retournent à la terre qu’elle affectionnait tant, son âme libérée poursuit le chemin.

Les personnes étaient tout aussi nombreuses au cimetière et je n’ai pas pu voir tout le monde. Les plus discrets ne se sont pas approchés mais j’apprends leur présence au fil des conversations. Nous avons accompagné Eva dans la Lumière. Le ciel était nuageux. Je n’ai pas eu mon rayon de soleil dirigé, il faudra qu’Eva travaille ses outils d’Ange (espérons qu’elle soit plus douée qu’en informatique !).  Cette dernière boutade pour souligner que l’on attend toujours beaucoup de nos défunts mais qu’ils ne sont peut-être pas systématiquement en capacité de réaliser ce que l’on attend d’eux, tout au moins comme nous l’envisageons. Pour ma part, je ne sais pas encore arrêter les horloges par la pensée mais les signes d’Eva sont bien présents.

[ Ma croyance est qu’Eva est actuellement dans une vibration intermédiaire où elle fait un bilan de sa vie, se reconstruit après la maladie et qu’elle s’apprête à rejoindre la Lumière, cette conscience universelle, où elle pourra œuvrer pour le bien de l’humanité. Je m’efforce de ne pas l’attacher à nos souffrances. Je ne la sollicite plus directement mais prie Dieu pour qu’il en prenne soin. Ansel Grün a écrit: » Le deuil fait vaciller les fondements de notre existence humaine. Mais la perte d’un être cher nous conduit souvent jusqu’aux tréfonds de notre âme où nous pouvons entrevoir le mystère de notre vie. Cela donne du sens à notre présence ici-bas. Faire son deuil veut dire aimer« .  Victoria à mes côtés le fait naturellement. Eva aimait souligner que Victoria était une « vieille âme ». Les trois garçons ont l’air de pas trop mal s’en sortir aussi. Le mercredi 06 juillet 2016, Eva aura disparue depuis 40 jours et je provoquerai une chaîne de prière pour l’accompagner.]

Le caveau était abondamment fleuri, des pétales jonchaient le sol. Dans le recueillement, chacun a pu déposer une rose auprès de l’urne. Le temps a suspendu son vol. Personne ne semblait vouloir interrompre cette communion. Lors de condoléances, beaucoup m’ont dit être apaisé et avoir passer « une bonne journée avec Eva ». Nous nous sommes quittés sereins. J’en suis infiniment heureux.

Antoine

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